dimanche 13 octobre 2013

Rufius



Au centre de la maison commune, le feu crépite et la fumée s’envole en volutes délicates. Si je suis trop loin du foyer  pour en goûter la chaleur, il dégage néanmoins cette merveilleuse odeur de charbon de bois qui se consume mêlé à des essences végétales. 
Peu de gens  sont en droit de  sentir ces parfums là ! Moi j'en suis et c'est  la première fois! J’en suis fier!  Je vous jure que de ma vie  je n’ai  jamais  senti d’odeur plus agréable.

Je regarde  s'envoler les fumées vers le ciel. La toiture de roseaux tressés est noircie de leurs  suies. un toit si noir, c’est  dit on, signe de pérennité. Bien des hivers se sont écoulés pour le souiller ainsi et  cependant ,il est  toujours là. Il était là bien avant que moi je n’y sois et cette simple idée me rassure.


Dehors, la pluie tombe grasse et violente comme la pisse qui s'écoule du cul d'une vache. On  pourrait croire que Taranis sort d’une beuverie, tant il nous pisse dessus avec rage ! Mais notre toit tient bon aux assauts du Dieu !


Les hommes présents en plaisantent :


«  Tu peux encore t’envoyer des tonneaux de Cervoise, Taranis ! Tu ne feras pas écrouler nos toits ! »S’exclame  CunosGnatos un des Ambacts du chef du Clan.


 Ils éclatent tous de rire, cherchant je pense à se rassurer.  J'ai moi aussi besoin d'être rassuré, aussi, je ris avec eux.


Je suis assis un peu en retrait et c’est bien normal de part ma position  secondaire au sein du clan. Je n’ai que faire de ne pas profiter de la chaleur du feu, car mon lourd sagon me la procure. Serais-je au centre du cercle, que je n’en serais pas plus heureux.

Ce qui compte, c’est que je sois là, parmi eux. C'est la première fois. Désormais rien ne sera plus comme avant...


La Cervoise et l’Hydromel coulent, mais il n’est pas question pour moi de m’enivrer aujourd’hui. Il n’est pas surtout pas question d’oublier ne serait ce qu’un seul  instant de cette nuit. Alors je trempe mes lèvres et je fais semblant. Lorsque je sens un regard appuyé, j'avale une gorgée et  je fais la grimace. Ca fait rire autour de moi, alors moi aussi,  je ris...
 Mais  je veux garder les idées claires! Car cette nuit est ma nuit !

 A « chaque goulée obligée », je mange de petits morceaux de pain, car on dit que le pain tue l’effet des alcools. 
...

Le pain va aussi  tellement  bien avec les charcuteries…

J’adore les charcuteries, moi et les miens en mangeons  si peu.

Ce soir, elles sont pourtant là, à disposition et à foison. 

Il n’est pas  question pour moi de passer pour un crevard. Cependant,  je regrette de ne pas avoir une besace dans laquelle, je pourrais faire glisser quelques uns de ces jambons. Ils feraient le bonheur des miens.

Je me dis que peut être bientôt, ils seront tous si saouls que ce serait un jeu d’enfant de les "laisser se perdre" sous mon manteau. 
...

Je devrais bien sur, être un peu  honteux d’avoir ces pensées là. Mais en vrai, ce n’est pas le cas. Tant de bonnes choses, c’est une honte au regard de ceux qui ont faim.

Ils rient… Alors moi je ris avec eux.

Je m'appelle Rufius du clan des trois chiens, de la Tribu  des Atrébates. 
Que les Dieux le sachent, je suis un homme du clan désormais!

1 commentaire:

  1. Un texte magnifique, loin des tracas de la guerre -pour une fois- (rire), dans l'intimité d'une maison gauloise. Vous avez une façon de décrire la maison, les odeurs qui fait qu'on a l'impression d'être là, nous aussi. C'est tellement vivant qu'on partage tous les sentiments, espoirs, désirs de Rufius. Bonne et longue vie à lui.
    Ainsi qu'à son créateur
    Betua

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