mardi 24 mars 2015

Un nom Gaulois pour Léo.


Il a désormais pour le protéger  un bouclier, une épée et Taranis!
Il ne lui manquait   plus qu'un "premier" nom gaulois.
Je m'y suis attelé et j'ai trouvé:
 ArgionadaGnatos CarantoGenos.
Certes, c'est un peu plus difficile à retenir que Léo.  
Mais on a le droit aux diminutifs!





samedi 21 mars 2015

Premier sang.



Premier sang.

Nous étions trois mille Atrébates de l’ouest à avoir quitté, depuis cinq jours, « Némétacon douce et boisée » en compagnie de mille cinq cent trimardeurs , des clans Morins des terres et des abords de la rivière Orna, aux allures de vagabonds. Nous faisions route avec deux mille guerriers d’élite de l’infanterie Bellovaque de « Corréos, fidèle en amitié ».
La constitution de notre troupe hétéroclite nous avait mis en retard sur le reste des armées Belges. Mais nous allongions tous la jambe pour les rattraper. Nous avions du cœur et il battait au son des tambours de guerre et des cors de la vénerie Morine.
Ce jour là, après une courte nuit de repos, nous avions repris la route dès la naissance de Bélénos et nous marchions depuis trois heures vers le sud en pays des Meldes. S’il nous avait expressément été ordonné d’éviter de piétiner les terres des Rèmes, il ne nous avait pas été interdit de longer leur frontière. C’était du moins le point de vue des Bellovaques. Point de vue que nous partagions en vérité, presque tous…
C’était une belle matinée d’été et la marche était facile.

Comme nous longions le pays des Rèmes, les coqs Bellovaques avaient bien entendu, souhaité marcher en tête et c’est donc tout naturellement qu’ils furent les premiers à les voir.
Cependant, sachez que si ce jour là, leurs carnyx furent donc les premiers à sonner l’alarme, nous, le clan de la chienne des Atrébates qui marchions à leur main droite, nous fûmes les plus prompts à réagir. Pendant que les autres en étaient encore à cheminer, nous, nous formions déjà « haie d’épines » !
L’ennemi était là, alignés en ordre de bataille sur le sommet d’une douce colline.
Ils étaient de nombreux piétons et de nombreux cavaliers. Leurs enseignes et leurs couleurs crevaient le ciel. Leurs trompes de guerre sonnèrent, mêlées à la clameur diffuse des cris des guerriers et des claquements de boucliers.

...
-« Des Rèmes, des bâtards de Rèmes !!! »…
Si le contingent Bellovaque engage sa manœuvre, bien plus rapidement il est vrai, que celui de nos frères. Nous, ceux du clan de la chienne des Atrébates, nous sommes déjà prêts ! Nous ne sommes peut être qu’une branche de trente ! Mais nous sommes la plus piquante !
-« Buroooooo (fureur)! » Gueule Broccos et nous nous mettons en mouvement, nous engageons « danse des guerres », nous engageons la guerre des provocations. Nous sommes épines!
Nos chevaliers qui chevauchaient aux avants sont revenus en trombe. Ils prennent position.
-« Roccos, Plus haut la chienne ! Que Teutatès ne voit que notre enseigne ! » Rameute notre bon seigneur Cunavalos
Et le géant rouge s’exécute! Il tend haut les bras, il tend haut son ventre, ses jambes et ses pieds et la chienne survole le champ de bataille bien plus haut que les cochons de guerre et les chevaux des autres enseignes !
Et BoccaCico « viande de bouche » souffle dans notre trompe de guerre à s’en faire exploser les poumons !
« Gussooooou ! » (Force, violence !) Hurle Broccos.
Alors nous reprenons en cœur!
-« GUSSOOOOOU ! »

Les deux mille Bellovaques forment la haie. Ils exhibent leurs enseignes, leurs capitaines gueulent les ordres et leurs trompes de guerre sonnent ! Nos frères Atrébates les suivent de peu et s’alignent à main droite. Là aussi les boucliers claquent. Les Morins accourent et se placent à main gauche!
Mais nous, nous ondulons déjà cinquante mètres devant eux ! Cette bataille est la nôtre.
Les insultes fusent envers les Rèmes. RoudoLuernos, l’aspirant bardique est le plus prolixe !

-« Culs de vaches ! Poules crevées ! Gitons de la louve ! Puissent les roues du char de Taranis vous couper en deux, non ! En quatre!
Charognards de la Celtie! Batardeaux de garennes ! Suceurs de queues ! Puissent les Dieux vous faire chier de l’air et respirer de la merde ! »
Ici et là explosent des:
-« Enfant de putain ! Galants de grecs ! »
-« je prendrai vos têtes de suceurs de bites latines, non pour honorer ma maison, mais pour amuser ma porcherie ! »
-« d’abord ta gueule sous ma lame, puis celle de ton frère, celle de ton père et celle ton fils ! »
-« Bâtards, bâtards de Rèmes ! »

Moi, si je tiens bon mon bouclier et ma lance et que j’ondule lentement au rythme de notre branche roncière, j’ai le sentiment de ne pas être à la hauteur. Ce n’est pas tant que j’ai peur, car je n’ai aucune peur ! Seulement, je ne suis plus maître de moi même. J’ondule avec les autres. J’aimerai gonfler à fond mes poumons et gueuler avec les autres, mais je ne le peux pas. Je n’ai plus de souffle. Je me meus en apnée…
Malgré tout je parviens à souffler :

-« Je vous hais ! »
Les Rèmes nous arrosent de flèches qui se fichent dix mètres devant nous. Alors, les rires éclatent et certains laissent tomber leurs boucliers et leurs lances pour exhiber leurs parties génitales. Derrière nous la clameur monte. Ce sont d’abord des voix Atrébates qui l’expriment.
-« La Chienne ! Gloire !»
Puis des voix Morines
-« La chienne, la chienne ! Gloire ! »
Enfin, elle monte au paroxysme lorsque même les Bellovaques reprennent :
-« La chienne, gloire ! La chienne, gloire ! La chienne, gloire! »


Notre mur est désormais constitué. Tous, nous souhaitons le combat. Les boucliers claquent et les carnyx sonnent. Tous ensemble nous sommes les fils des bois et des forêts :
Argousiers, Aubépines, Prunelliers, Houx et Églantiers. L'un à côté de l'autre, au combat, nous formons la haie d'épines et le clan de la chienne est la ronce qui fouette. Celle qui arrache les chairs. Celle qui danse!

Nos druides jaillissent entre les rangs et dans l’urgence, ils lancent des invocations de magie. Ils exhortent les Dieux de ne pas supporter les impies d’en face. Même si ceux là, perfides, ont eu le temps de mieux les honorer…
Parmi eux, il est celui des Bellovaques. Il était le premier devant le mur et après quelques encouragements envers ses troupes, cet énigmatique homme sec comme un lézard se détourne et marche seul contre les Rèmes. Il dépasse notre branche ondulante. Arrache le col de sa tunique et expose son torse nu à l’ennemi. Torqué d’or, il marche d’un pas vif. Il les pointe du doigt et les maudit.
Une volée de flèches s’abat sur lui, mais aucune ne le touche. Sa longue chevelure poivre et sel lui retombe sur le visage, lorsque ses deux bras se tendent vers le ciel. Son corps semble comme pris de soubresauts. La haie Bellovaque psalmodie.
Une nouvelle volée de flèches s’abat autour de lui, mais toujours en vain.
L’espace d’un instant il se tourne vers nous. Il y a comme de la folie dans son regard bleu pâle, bien qu’il sourie.
-« Aujourd’hui, les Dieux nous accorderont la victoire ! »

Sur la colline devant nous, la cavalerie Rème s’élance à notre rencontre. Alors, le druide Bellovaque sans un regard pour nous ou les siens court vers eux.
-« Aujourd’hui, les Dieux nous accorderont la victoire ! Aujourd’hui, les Dieux nous accorderont la victoire ! Aujourd’hui, les Dieux nous accorderont la victoire ! Aujourd’hui, les Dieux nous accorderont la victoire ! … »
Alors notre ronce aux trente épines le suit sans réfléchir et nous courons contre la cavalerie ennemie.
Alors les chevaliers Atrébates, bien qu’en sous nombre, parce que cela se doit, chargent la cavalerie ennemie.
Alors les Bellovaques, honteux de n’avoir pas été les premiers s’élancent à en perdre haleine.
Les Atrébates rompent le rang et les Morins aussi. Tous s’élancent. Les chiens sont lâchés
La haie n’est plus. Il ne reste que légions d’épines...

...
Ce jour là, ce sont un druide Bellovaque, trente épines Atrébates et une meute de chiens de guerre Morins qui ont fait face au premier instant de l’assaut de trois cent cavaliers Rèmes. Lorsque les nôtres sont entrés dans la danse. Nous en avons fait grand massacre. Un si grand massacre que les piétons du haut de la colline ont tourné les talons, sans demander réparation pour l’offense.
Ce jour là, nous avons remercié les Dieux cléments ! Car sinon Broccos qui fût piétiné par la cavale élancée d’un de leurs nobliaux, aucun d’entre nous n’a même été blessé. Pour les malheurs de Broccos , ils nous ont même offert en échange, le cheval, le bouclier, l’épée, la vie de ses ambacts et le nobliau en question, qui est désormais notre prisonnier.

Rufius d'Atrébatie.

dimanche 1 mars 2015

Je rentre chez moi...

Aujourd’hui, Rome, telle une putain fardée à la fin de la nuit, embaume tout autant le parfum que la merde. Bien que des milliers d’entre nous aient des jours durant, lessivé ses murs et ramassé les immondices qui souillaient ses rues. Elle continue de puer, comme puent les latrines où ses habitants aiment tant traîner et lier des amitiés.
Aujourd’hui la « ville catin » a revêtu ses plus beaux atours. Elle fête son maître. Elle fête le triomphe de l’ignoble salopard.
Ce matin, j’ai quitté la maison du maître, j’ai pris mon baluchon, mon petit « cochon de guerre » en bronze, ma couverture, ma gourde et mon couteau et j’ai volé un morceau de pain et du fromage. Ce soir, je ne rentrerai pas.



La foule en liesse est venue nombreuse, mais en jouant un peu des coudes, j’ai réussi à me trouver une place proche de l’accès au temple de Jupiter Capitolin. Les sonneurs de trompes et les joueurs de flûtes ont été les premiers à accéder à voie sacrée. On les avait entendu arriver de loin. Ils sont suivis d’une troupe de vétérans et de « méritants », vêtus de blanc comme des officiels. J’imagine que bon nombre d’entre eux sont des bâtards de la X ème légion, génocidaires d’Avaricon, d’Alésia et d 'Uxellodunon. Ils ont beau bomber le torse et sourire de leurs bouches édentées. Par tous les Dieux, qu’ils sont laids ! Gras comme des oies, huileux comme des côtes de porc. Moches comme sont moches les sénateurs de Rome. Pourtant le peuple les acclame. Il fait pleuvoir sur eux des pétales de fleurs. Ils glorifient les assassins de vieillards, de femmes et d’enfants.
S’ensuivent des dizaines de chariots contenant le butin, les enseignes et les trophées. Si certains sont décorés aux couleurs orientales, moi, dans ce capharnaüm je ne vois que ceux qui transportent les trésors de Celtie. L’or, l’argent et les pierreries dérobés dans les temples de nos Dieux.
Parmi les enseignes exhibées en trophée, je reconnais le « Moccos de guerre », fierté de ma tribu. Alors mon cœur se serre…

Après un nouvel ensemble de musiciens, viennent les animaux. D’abord des lions, des tigres des girafes et d’étranges cervidés que je ne connais pas. Parmi eux sont enchaînés des hommes et des femmes sauvages.
Lorsque paraissent les éléphants, la foule cesse de respirer.
Mais je n’ai cure des monstres, car viennent les animaux de mon pays. Un Orus énorme, suivi d’un ours bonhomme, tenu en laisse par un gnome hilare. L’ Artos est gauche et un peu apeuré, il chemine en balançant ses fesses, ne comprenant pas pourquoi la foule le hue et lui jette des cailloux.
Un gros chariot contenant dessus des cages de fer enfermant des Sangliers des Gaules. Les Moccos sont comme fous. Ils chargent contre les barreaux et s’ouvrent dessus leurs crânes. Ils meurent ainsi comme des guerriers glorieux.
Parmi les bêtes de mon pays, ils exhibent aussi de belles filles de Celtie. Malgré la peur que je devine dans leurs yeux, elles sont fières et sous les huées et les insultes, elles se tiennent et marchent droit.
Mon cœur est déchiré…

Quelques musiciens encore et c’est le temps des prisonniers de guerre. D’abord viennent les rois et reines nègres. Ils sont vêtus de tenues exotiques, de plumes d’autruches et de feuilles de palmiers. Ils sont exhibés en famille et autour d’eux, des dizaines de macaques facétieux amusent, par leurs grimaces et leurs cabrioles le peuple de Rome. Ce ne sont que rires et applaudissements.
Mais soudain les tambours de guerre résonnent. Le défilé se fait plus martial. Les cris de joie s’éteignent et la foule retient son souffle. Une cohorte de soldats sans armes, ni cuirasses fait son apparition. Ils sont martiaux et marchent au pas. Ils précédent un énorme chariot rustique, tiré par quatre taureaux blancs sacrificiels. Alors la foule les salue et hurle son allégresse.
-« Vainqueurs des Gaules ! Tonnerres ! Feux ! »

C’est alors que je le vois. Que les Dieux me pardonnent, car l’espace d’un instant, je ne le reconnais pas. Il est là devant moi, terriblement affaibli, les poignets au carcan, il se tient avec difficulté sur ses jambes. Après six années de captivité, il est méconnaissable. Pour « le spectacle », ils l’ont affublé d’un costume ridicule. Ils ont posé sur sa tête un étrange casque de bronze en forme de cône agrémenté de paragnathides énormes et de plumes de faisans. Sur ses épaules, ils ont jeté une lourde cape en peau d’ours et de loup. A son cou, pendent un torque cérémonial énorme et un collier en dents d’ours, à ses bras des colliers dorés de femmes. A sa ceinture ils ont accroché un glaive de bois…
J’ai grand mal à retrouver le beau jeune homme qu’il était jadis. Six années ici l’ont transformé en « presque vieillard ». Ses cheveux sont longs et sales, quelques mèches à ses tempes ont été tressées. Il porte désormais une longue barbe sombre et mal taillée. Quelle tristesse, lui qui était si fier de son visage glabre…
Accroché à son chariot, il chemine sous les insultes et les crachats. Mais son visage se tourne vers moi. Alors je croise son regard sombre de montagnard Arverne. Je retrouve le grand roi des Guerriers et mon cœur s’arrête de battre.
Les privations et la maltraitance ne sont pas parvenus à chasser son âme. Je le regarde, il me regarde et une lumière se fait dans ses yeux. Je n’aurai pas l’audace de dire qu’il me reconnaît, car je ne suis rien qu’un modeste client libre d’un bon seigneur, qui perdit sa liberté des murs d’Alésia. Mais à cet instant, j’aime à croire qu’il voit au moins en moi, un ami et qu’il sait qu’il n’est pas seul…

Mais le convoi continue son chemin. J’ai beau jouer des coudes, aux abords du temple de Jupiter, la foule est trop compacte. Je ne parviens plus à me frayer chemin et puis… J’ai de la pluie plein les yeux.
Alors je rebrousse chemin. Je ne vois même pas le salopard passer sur son quadrige aux chevaux blanc. Bélénos est couchant dans le ciel. Je lui tourne le dos et je regarde vers le nord. Ce soir, je ne rentre pas chez le maître. Ce soir, je prends la route vers Celtie.
Ce soir, je rentre chez moi...

Un Celte à Rome.