mercredi 6 mai 2015

Le trésor.



Demain, débuteront les « feux de Bel ». Bien que les temps soient sombres désormais, l’ensemble de notre communauté est  en joie.  Belotennia est sans doute la plus charmante des fêtes de l’année. Elle clôt les portes de la saison sombre et ouvre celles du temps de l’été.

« Belotennia, c’est aussi le temps des jeunes filles en fleurs » : Soupire Exobnos.

Depuis quelques jours, la nature est toute en sa fierté renaissante. Les Dieux, avec bonté, nous ont accordé le soleil et pluies nécessaires. Nous avons quitté nos lourds vêtements de laine, pour de plus légers.  Autour de nous la campagne est merveilleusement verte et les troupeaux de brebis paissent de nouveau, sous la surveillance des boucs, des jeunes bergers et de leurs chiens.
Le jeune Exobnos s’affaire à nettoyer les alentours immédiats du « sacré ».  Si l’autel en lui-même lui est encore  interdit, son statut de Druidillon, l’autorise à accéder au sein du sanctuaire et de cela, Exobnos  tire une grande fierté.
Le Nemeton de « BoisVert » est modeste dans sa conception. Ses fossés ne sont pas bien profonds et son enceinte  n’est constituée que d’une haute haie d’épines. Son porche est cependant un bel édifice. Quatre colonnes solides supportant un étage sur lequel sont exposés les boucliers de vaillants ancêtres.  Dans les deux colonnes massives  de la  façade, quatre crânes humains peints de couleurs vives, accueillent les visiteurs.
Lorsqu’on y entre, on constate que le chêne qui pousse à main gauche du « sacré » est encore jeune.  C’est signe d’un grand bonheur sur nos têtes, c’est là, la preuve de notre longévité à venir.

A la porte du « sacré », Exobnos oublie un instant son balai. Il écoute dedans, le « très Savant » Cassanos chanter les louanges de Bélénos. L’instant est magique, s’il ne voit pas, il l’entend. Il écoute la voix douce et tremblante de Cassanos. Le « très savant » est le servant des lieux, il est le représentant de sa « Seigneurie des Druides, grands en savoir.»
Cassanos est aujourd’hui un homme âgé. Mais il suffit de voir sa haute stature pour deviner le grand guerrier qu’il a été jadis. Car Cassanos,  jeune Druidillon,  était dans la haie d’épines, face aux Cimbres et aux Teutons. Cassanos a de sa main  coupé  et pris des têtes !
Exobnos  est   le  disciple et le servant de Cassanos. Vous comprendrez dès lors, qu’ Exobnos en tire une grande fierté.

xXx


Le jeune homme prend un instant de pause, il écoute le chant du Druide et son esprit s’envole. Il hume les odeurs du printemps, au pied de la colline, il regarde le village et son cœur s’envole. C’est bon de vivre ici !

xXx

Mais soudain les oiseaux cessent de chanter et l’espace d’un instant la nature se fait silencieuse. Au sein du « sacré », Cassanos, lui aussi s’est tu.
Exobnos  est inquiet, il observe le village en contrebas. Tout semble calme.
Mais soudain, on entend aboyer rageusement les chiens ! Courageuses les oies se portent à leur côté et  elles crachent. On entend bêler les brebis, celles là sont en panique. On entend les premiers cris de peur…
Au nord-est du village, une troupe de cavaliers se présente, ils sont suivis par de nombreux piétons en armes et désormais ce sont leurs cris de guerre que l’on entend.

Cassanos sort du temple, l’espace d’un instant, il y a  la panique dans les yeux, mais il se reprend.
-« Est-ce que ce sont des Romains? » Demande Exobnos, inquiet.
-« Des romains ou des bâtards d’Antoine, cela n’a pas beaucoup d’importance. Ils viennent pour nous détruire.»

-« Suis moi ! Entrons ! » Hurle  le «très savant ».
Exobnos reste comme paralysé, ne pouvant franchir le pas.
-« Suis moi, je te dis ! Les Dieux ne t’en tiendront pas rigueur! Crois moi, pas ce jour… ».
Alors, il s’exécute et entre dans le temple pour la première fois de sa vie.

xXx

Exobnos entre et il tombe à genoux. Devant lui se dresse le poteau idole de la tribu. Il ne l’avait encore  jamais vu. Il sait que celui-ci  était déjà en place du temps du père du père de son père et plus loin dans le temps encore. Depuis des générations, ils viennent  d’Atrébatie, de Morinie, d’Ambianie. Car ce lieu est sacré. Partout des bijoux d’or,  d’argent et de bronze, partout des armes et des boucliers.
-« Mais redresse-toi donc, bougre d’andouille! Es-tu à ce point stupide pour penser que des prières nous sauveront? Pour moi, c’est le temps de la dernière bataille ! Pour toi, c’est celui de sauver le trésor !»
Tandis qu’Exobnos reste sans voix, Cassanos s’est saisi d’une besace en peau de chèvre et il  l’emplit des trésors dédiés aux Dieux. Moult Torques, des brassards, des bagues et des anneaux, deux lingots, tous en or. Il se tourne vers le jeune homme, le saisit  et lui met autour du cou, un torque d’argent, dans la main le couteau sacrificiel si bien aiguisé.
-« Maintenant cours! Cours aussi loin que ton cœur hardi, te le permettra! Cours vers le sud, vers Ambiani ! Trouve une cachette pour le trésor de nos pères! Fais en sorte que si ni moi, ni toi ne lui survivons, aucun de ces bâtards ne mettra la main dessus.
Par les Dieux, je t’en conjure, Exobnos, cours ! Cours  à en perdre haleine… »
-« Mais toi Maître ? Que vas-tu faire ? »
-« Moi, je vais livrer ici, mon dernier combat, sous le regard de Bélénos, de Taranis et d’Aedis. Moi, mon jeune ami, je suis le plus chanceux des hommes! Mais toi, COURS !»

Alors, le jeune Exobnos a oublié qu’il était druidillon et il a  couru comme courent les bergers !

Alors, le vieux Cassanos s’est souvenu qu’il était jadis un guerrier. Au cœur du « sacré», il s’est saisi d’un bouclier  d’apparat et d’une épée. Il a testé cette dernière par trois fois sur son front et Dieux merci elle coupe sec!

xXx

Cassanos marche vers le porche d’entrée. Il est heureux de n’avoir pas aujourd’hui, revêtu son bel habit blanc.  Aujourd’hui Cassanos est redevenu  un guerrier.
Si en face, ils sont légion, Cassanos  protége le porche. Ce ne sont pas des « petits hommes bruns », ce sont les bâtards  de Marc Antoine. Le vieux Druide fait  massacre d’auxiliaires. Leurs têtes et leurs corps ensemencent les fossés de Nemeton.
Cent flèches  et des dizaines de lances s’abattent sur lui, en vain! Car le bouclier de la tribu l’a protégé. Mais cela pèse. Aussi Cassanos l’abandonne.
Alors dans un grand éclat de rire, Le Druide Cassonos charge les ennemis. Il franchit le fossé et coupe des têtes. Il tombe sous les  traits perfides. Mais de son vivant, les bâtards  n’auront  pas mis pied dans le cercle sacré.

Que cela soit dit.

1 commentaire:

  1. Fantastique, votre "petit" texte sur Bélénos, le trésor des Atrébates prend merveilleusement vie sous nos yeux.
    Aux jours d'aujourd'hui, les brebis paissent dans une campagne tout aussi verte, et si les feux de Bélénos sont moins nombreux, de multiples bougies prennent la relève.
    B

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