samedi 20 septembre 2014

Banshee.



C’est un soupir  de Benca qui m’avait tiré du sommeil. J’ai entrouvert les yeux et je l’ai écouté faire les cents pas, là-bas, dans la  cuisine.

Couché en chien de fusil, mes deux oreillers bloqués dessus mon  bras gauche, je regardais vers la fenêtre.  

Son encadrement sombre s’est illuminé et j’ai vu se dessiner dans le ciel, la silhouette de Magio Billio, notre bel arbre. Je me souviens qu’à cet instant, j’ai ressenti  de la tristesse, car dans ce jeu d’ombres et de lumières, notre beau noyer avait déjà perdu beaucoup de feuilles, signe que l’hiver venait.  

Taranis était donc dessus nos têtes. J’ai compté jusque dix, sans entendre le tonnerre. Taranis était  donc encore loin et peut  être qu’il ne se montrerait pas menaçant.

Les éclairs se succédaient, mais ils étaient lointains.  J’avais beau les compter, aucun n’était suivi du tonnerre. Je me suis donc laissé allé à regarder les lumières, les ombres des arbres et des granges, les nuages qui traversaient le ciel.

J’aurais pu sombrer dans le sommeil. Mais de l’autre côté de la maison, ma chienne qui soupirait  me ramenait chaque fois, à cet état de "presque conscience".



Couché en chien de fusil, mes deux oreillers bloqués dessus mon  bras gauche, je regardais vers la fenêtre.  J’étais à deux doigts de m’endormir.  Les yeux mi-clos,  Je regardais jouer la lumière et les ombres au travers de la vitre. L’orage approchait, pourtant à ce moment, je me sentais bien. Content, d’être là, en cette nuit orageuse. Heureux et rassuré de savoir que si Taranis tonnait, je pourrais toujours sortir du lit pour aller rassurer Benca. Nous étions tous à l’abri, voilà ce qui comptait.

Pendant quelques instants, bercé par ce petit bonheur, mes yeux se sont fermés. C’est un fort éclair qui me les a fait entrouvrir. C’est alors que dans l’encadrement de la fenêtre, devant l’ombre de MagioBillio, je l’ai vu.

J’ai vu ce visage de pierrot lunaire, Il était comme posé sur le rebord de la fenêtre, menton contre la  pierre,  entre deux longues mains fines et blanches qui ressemblaient à des araignées. Il était de l’autre côté de la fenêtre et me regardait dormir. Elle inspectait ma chambre

Sa peau était pâle. Elle était si  luisante,  qu’elle en paraissait transparente. Entre mes yeux mi-clos je ne pouvais croire à ce que je voyais.  J’aurais dû sauter au plafond et attraper la batte de baseball que je gardais au coin du lit. Mais quelque chose me commandait de ne pas bouger d’un cil. Que si je ne le faisais pas, je ne verrais pas le lendemain. Était-ce la sagesse ou la trouille ? A vous de le dire...



Couché en chien de fusil, mes deux oreillers bloqués dessus mon  bras gauche, je regardais cette créature, qui elle aussi me regardait. J’avais les yeux mi-clos, caché dans les ombres des draps, des oreillers et de la chambre. Elle avait le visage ovale,  trop ovale. Elle avait un visage sans ride,  trop sans ride. Elle avait de longues boucles, entre blond et blanc, trop blanches.

Elle avait surtout de grands yeux, dont les iris bleu pâle étaient si clairs, qu’ils en paraissaient comme morts. Son regard n’était que pupilles noires et mauvaises, cerclée de rouge, comme si elle avait pleuré.

Moi, je tentais de rester maître de mon souffle et je restais là, les yeux mi-clos.

Ses pupilles pointues me quittèrent un instant, ils inspectèrent  les châssis et les montants de ma fenêtre.  Mais lorsque ses longues mains vinrent en renfort, alors ses pupilles se retournèrent vers moi, accompagnées d’un  sourire mauvais sur sa bouche sans lèvre. Elle cherchait à entrer… 
Cela m'a terrifié.



Couché en chien de fusil, mes deux oreillers bloqués dessus mon  bras gauche, je regardais vers la fenêtre et ma main s’est crispée. La créature l’a vu et plutôt que de lui faire peur, cela l’a réjoui, c’est du moins ce que j’ai compris en voyant apparaître dans son sourire obscène, un morceau de langue rouge.

Alors tout est devenu clair : « Banshee ! »

Si je la regardais alors  mes cheveux allaient blanchir de peur. J’ai fermé fort mes yeux et je suis resté là sans bouger...

« Par tous les Dieux faites qu’elle ne crie, faites qu’elle ne pleure pas! »




...
...

Un nouvel éclair, celui-ci est plus  puissant! Alors malgré moi, j’entrouvre de nouveau les yeux, (juste un peu). Et soudain retentit le tonnerre ! 
A la cuisine, Benca s’énerve et aboie. 
La créature de la fenêtre semble inquiète et inspecte le dehors. 
Dessus nos têtes, Taranis explose de colère! C’est un nouvel éclair et il est suivi d’une explosion. A la cuisine, Benca est comme folle. Je l’imagine sauter en l’air et atterrir sur le dos de S’Tein, assoupi. 
L’Ambact n’aime pas être ainsi secoué, alors il grogne, il menace et il aboie. 
Ce tintamarre réveille E’Clyde qui lui aussi y va de sa grosse voix, je les entends gueuler à la porte qui donne vers la cour. Elle a peur des chiens! Bons Dieux, que c’est bon d’entendre gueuler le clan !



Couché en chien de fusil, mes deux oreillers bloqués dessus mon  bras gauche, j'ai regardé les yeux mi-clos, vers la fenêtre.  J'ai vu  dans ses pupilles du regret, de la haine et  de la méchanceté. Elle ne souriait plus et ses deux grandes mains blanches ont disparu de mes carreaux. Un instant plus tard, c’est elle qui n’est plus là…

Taranis a encore sonné plusieurs fois trompette à ses éclairs et  Benca a quelque fois soupiré, mais le clan s'est calmé et  bientôt, l’orage s’est éloigné.

Je suis resté longtemps couché en chien de fusil, regardant yeux mi-clos par la fenêtre. Je craignais qu'elle ne soit encore là, cachée au coin du mur, attendant que je bouge et que je croise son regard.

De l'autre côté de la maison, Benca s’est endormie.

J’ai écouté le silence de la nuit longtemps, encore…  Lorsqu’un peu de courage m’est revenu, bâton dans la main, j’ai ouvert la fenêtre de la chambre. j'ai regardé dehors, mais bien sur , il n’y avait plus rien.

 Clyde TriCanauos




PS : Ce soir, le temps est encore à l’orage, il suffit de voir combien « princesse souillon » est énervée. Je sais bien que c’est interdit, mais elle dormira, cette nuit dans ma chambre.

CTC,  Nuit du 20 au 21 septembre 2014

1 commentaire:

  1. Comme si Taranis ne tourmentait pas assez les gens ces temps-ci, et surtout les soirs.
    Ô, j'imagine très bien la silhouette du vieux noyer sous les éclairs d'un orage nocturne. Pour "vous consoler" du fait qu'il perde ses feuilles, voici un phrase lue hier (1), d'un auteur que je ne connaissais pas même de nom (né du côté de chez vous, à Arras : Pierre jean Jouve) "L'arbre se sauve en faisant tomber ses feuilles." Si on y réfléchit bien...
    Une horreur, cette banshee : c'est en feuilletant les pages de votre blog que j'ai appris l'existence de cet esprit malfaisant.
    Heureusement qu'elle n'aime ni les chiens, ni peut-être la lumière des éclairs.
    Sagesse ou trouille? Moi j'aurais mis les deux oreillers sur ma tête! (une autruche, où ça?)
    ...et fait rentrer les trois chiens.
    Benca en chambre? De quoi bicher et en redemander (Après tout, c'est une princesse.)
    Souhaitant, à tout le clan, des nuits plus sereines.
    B

    (1) Une simple expo de peinture, dans un bourg proche, dont le thème était les arbres.



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