Je le savais !
Au plus profond de moi, je savais que les Senons ou les Carnutes auraient été ceux par qui la révolte qui couvait depuis si
longtemps, allait s’exprimer dans les
flots de sang et les larmes de ces gras colons romains!
Je savais que notre fierté renaîtrait par l’un de ces deux peuples, plutôt que de ces
bavards d’Arvernes, qui causent et causent et causent encore et n’agissent pas…
Depuis que le « petit galant brun » l’a mis à
mort. Acco hantait nos nuits… Il hantait
même les nuits du Roi Commios. C'est dire s'il était dessus nos têtes.
Depuis longtemps, son fantôme soufflait à nos oreilles à quel point il était déshonneur
pour nos tribus de n’avoir pas réagit
immédiatement et planté nos lances dans
la paillasse du premier romain venu. D'autant que lorsque Acco mourrait nous n’étions
qu’à deux heures de marche. Nous avions rebroussé chemin, alors que nous aurions pu le venger et piquer la tête de Kesar
sur une pique !
Déshonneur absolu, spécialement pour nous les clans Belges !
Comme si nous étions tous devenus aussi veules et lâches que des Rèmes.
Depuis la mort d’Acco, je n’avais pas connu une nuit sans cauchemar,
ni un réveil, sans honte… Seulement moi, je ne suis rien. Ni Roi, ni Cavalier,
ni même Ambact. Je ne suis que de la piétaille…
C’était une froide journée d’Anagantio et c’était la veille d’ Imbolc. La neige couvrait les vallées et le ciel était tellement bas
que nous aurions pu croire qu’il allait s’écrouler sur nos têtes et nous faire disparaître
à jamais. Les bêtes et volailles étaient à l’étable. La plupart d’entre nous renâclions
à l’idée de traîner dehors. Moi, j’étais
occupé à couper du bois pour alimenter la forge, lorsque la clameur du « coureur
de nouvelles » est arrivée à nous.
Mon petit doigt me dit qu’il avait dû courir comme jamais il
n’avait couru de sa vie. Il était rouge et haletant. Il fumait sous son
Cucullus givré ! Il était surtout souriant et heureux !
- " Genabum s’est révoltée ! Ils ont taillé
les Romains en pièce. Les Carnutes ont
déclaré la guerre à Rome !...
Les Sénons vont les suivre ! Les Arvernes devront bien !
Les chevelus prennent les armes !"
-
"Et nous allons nous rester là à attendre ?"
-
"Non ! Car Commios veut la guerre désormais!»
Je crois que ce
triste jour d’Anagantio a été le beau jour de ma vie. Dans l’instant ce n’est
pas moins de six coureurs qui partaient du village pour porter la nouvelle. Deux
vers des clans Atrébates du nord ouest, (comme
il est prévu depuis la nuit des temps). Mais aussi d’autres vers nos plus proches voisins. Deux
chez les Morins et deux autres encore
chez les Ambiens et ceux là, selon les souhaits du chef, ils chevauchaient ! Juste au cas où, ils n’auraient
pas reçu la nouvelle ! Les coureurs de nouvelles Ambiens ont les pieds lourds et ceux des Morins les pieds carrés!
Le « père du clan » jubile ! Il rappelle ses Ambacts !
Moi, je ne suis rien ou pas grand chose. Mais je cours à la forge. Nous allons devoir travailler dur car le
temps est venu de sortir les lances et de forger les épées !
Le temps de la guerre est venu!