Au centre de la maison commune, le feu crépite et la fumée
s’envole en volutes délicates. Si je suis trop loin du foyer pour en goûter la chaleur, il dégage néanmoins
cette merveilleuse odeur de charbon de bois qui se consume mêlé à des essences
végétales.
Peu de gens sont en droit
de sentir ces parfums là ! Moi j'en suis et c'est la première fois! J’en suis
fier! Je vous jure que de ma vie je n’ai jamais senti d’odeur plus agréable.
Je regarde s'envoler les fumées vers le ciel. La
toiture de roseaux tressés est noircie de leurs suies.
un toit si noir, c’est dit on, signe de pérennité. Bien des hivers se sont écoulés pour le souiller
ainsi et cependant ,il est toujours là. Il était là bien avant que moi je n’y
sois et cette simple idée me rassure.
Dehors, la pluie tombe grasse et violente comme la pisse qui s'écoule du cul d'une vache. On pourrait croire que Taranis sort d’une
beuverie, tant il nous pisse dessus avec rage ! Mais notre toit
tient bon aux assauts du Dieu !
Les hommes présents en plaisantent :
« Tu peux encore t’envoyer des tonneaux de
Cervoise, Taranis ! Tu ne feras pas écrouler nos toits ! »S’exclame CunosGnatos un des Ambacts du
chef du Clan.
Ils éclatent tous de
rire, cherchant je pense à se rassurer. J'ai moi aussi besoin d'être rassuré, aussi, je ris avec eux.
Je suis assis un peu en retrait et c’est bien normal de part
ma position secondaire au sein du clan. Je
n’ai que faire de ne pas profiter de la chaleur du feu, car mon lourd sagon me la
procure. Serais-je au centre du cercle, que je n’en serais pas plus heureux.
Ce qui compte, c’est que je sois là, parmi eux. C'est la première fois. Désormais rien ne sera plus comme avant...
La
Cervoise et l’Hydromel coulent, mais il n’est pas question
pour moi de m’enivrer aujourd’hui. Il n’est pas surtout pas question d’oublier
ne serait ce qu’un seul instant de cette
nuit. Alors je trempe mes lèvres et je fais semblant. Lorsque
je sens un regard appuyé, j'avale une gorgée et je fais la grimace. Ca fait rire autour de moi, alors
moi aussi, je ris...
Mais je veux garder les idées
claires! Car cette nuit est ma nuit !
A « chaque
goulée obligée », je mange de petits morceaux de pain, car on dit que le
pain tue l’effet des alcools.
...
Le pain va aussi tellement
bien avec les charcuteries…
J’adore les charcuteries, moi et les miens en mangeons si peu.
Ce soir, elles sont pourtant là, à disposition et à foison.
Il n’est pas question
pour moi de passer pour un crevard. Cependant, je regrette de ne pas avoir une besace
dans laquelle, je pourrais faire glisser quelques uns de ces jambons. Ils
feraient le bonheur des miens.
Je me dis que peut être bientôt, ils seront tous si saouls
que ce serait un jeu d’enfant de les "laisser se perdre" sous mon manteau.
...
Je devrais bien sur, être un peu honteux d’avoir ces pensées là. Mais en vrai,
ce n’est pas le cas. Tant de bonnes choses, c’est une honte au regard de ceux
qui ont faim.
Ils rient… Alors moi je ris avec eux.
Je m'appelle Rufius du clan des trois chiens, de la Tribu des Atrébates.
Que les Dieux le sachent, je suis un homme du clan désormais!
Que les Dieux le sachent, je suis un homme du clan désormais!
Un texte magnifique, loin des tracas de la guerre -pour une fois- (rire), dans l'intimité d'une maison gauloise. Vous avez une façon de décrire la maison, les odeurs qui fait qu'on a l'impression d'être là, nous aussi. C'est tellement vivant qu'on partage tous les sentiments, espoirs, désirs de Rufius. Bonne et longue vie à lui.
RépondreSupprimerAinsi qu'à son créateur
Betua