vendredi 18 septembre 2015

Le sacrifice de Cnoua. (2eme partie/ fin)

C’est la naissance du second jour de la lunaison sombre de miđ Edrini. C’est une belle fin d’après midi qui pour un peu, ressemblerait encore à l’été. Le soleil descend tout doucement sur les marais. A la surface de l'eau volent les libellules.
La jeune femme est descendue, accompagnée de la petite Uimpi, le long de Caprina et elles ont cheminé quelques temps vers l’ouest, jusqu’à cette petite berge, où l’eau est plus calme et où les Dieux sont plus à même de recevoir nos paroles, nos souhaits et nos offrandes.
Reconnaissant l'endroit, les chiffons à souhaits accrochés aux arbres et les ex votos plantés dans la vase, la petit fille a demandé:
-« Sommes nous venues ici, faire une offrande ?
- Je n’ai rien amené avec moi !» soupire t'elle.

-« Regarde autour de toi, il te suffira de peu de temps, pour confectionner un joli bouquet et s’il est vraiment beau, il se peut que dans mon panier, je trouve un joli ruban pour le maintenir en forme. »
La petite fille est toute en joie et commence sa récolte, parmi les hautes herbes.
Cnoua sort de son panier une grosse paire de force. Sans hésitation, elle saisit de la main gauche la base de sa longue chevelure tressée et de la droite, elle coupe sa tresse, juste à la limite de sa tête.
Un instant, elle regarde dans sa main cet énorme serpent couleur de blé. Rapidement, elle se reprend et attrape le ruban, dont elle n’oublie pas de couper un morceau pour Uimpi. Elle le noue à l’extrémité de sa tresse.

Le très sage Druide pense que pour les souhaits importants, chacun doit être prêt a sacrifier quelque chose de précieux. Cnoua n’est pas riche. Ses bijoux sont des plus modestes, cependant et depuis toujours, on lui envie sa longue chevelure d’or.
-« As-tu fini ton bouquet, Uimpi ? »
-« Oui, j’arrive ! »

La gamine déboule et lorsque qu’elle se trouve face à elle, elle reste interdite.
-« Qu’as tu fait à tes cheveux ?»
Cnoua ne répond pas. Elle lui tend le ruban et lui dit simplement :
-« Comme promis… »

Puis la jeune fille se penche dessus l’eau calme et y laisse couler sa tresse. Son esprit s'envole dans une prière muette.
-« Tu offres tes cheveux en offrande ? Mais pourquoi donc» demande Uimpi.
Cnoua regarde sa tresse s’éloigner lentement. Un temps gênée, elle confesse, cependant à la petite fille:
-« C’est pour que Belisama prenne soin de mon ami Rufius, qui est parti à la guerre. »
Uimpi ne dit rien, mais soudain une grosse larme coule sur sa joue.
-« S’il te plait, Cnoua ! Coupe moi aussi les cheveux, pour les offrir à Belisama! Car mon papa est aussi parti faire la guerre, ce matin ! »
Un instant, Cnoua reste interdite. Que va penser la mère de l'enfant si?...
Elle lisse une des mèches de l’enfant et lui chuchote à l’oreille :

-« Juste cette mèche-ci, alors. Elle est très longue très belle et très douce. Mêlée à ton joli bouquet, elle honorera plus que nulle autre, Belisama. »
-« D’accord » répond l’enfant.

Alors Cnoua coupe la mèche et elle aide l’enfant à la nouer autour des fleurs et lorsque la fillette la met à l’eau, elle prie :
-« Belisama, très bonne et très brillante ! Garde un regard aimant sur le papa de Uimpi. Puis lorsque la guerre sera finie, ramène les nous tous les deux , lui et Rufius, au pays… »

Le sacrifice de Cnoua. (1er partie)


Aujourd’hui, à l’ aurore du premier jour de la lunaison sombre de miđ Edrini, les garçons du clan, les « guerriers » de pont à la louve sont partis vers les terres du sud, très loin d’ici pour aller faire la guerre aux Romains, au pays des Arvernes.
Notre bon chef CunaGenos est désormais un homme âgé et il lui a été refusé le droit de mener le clan à la bataille. Je pense que cela a dû le blesser, cependant, c’est un autre sacré héros qui nous représentera, puisqu’il s’agira de Cunavalos, un enfant né libre et modeste de notre clan. Son destin extraordinaire et le regard aimant des Dieux ont fait de lui, le jour de sa naissance, le frère de lait du Roi Commios de sa Haute Seigneurie MénétonCenna. Même si Cunavalos avait dû quitter notre clan depuis la fin de son enfance, pour suivre son fosterage, en d’autres lieux, il n’a jamais oublié qu’il était lui aussi, un des fils de la chienne.
La présence de cet illustre personnage a rameuté bien des gars des fermes alentours, qui peut être en d’autres occasions auraient oublié de répondre à l’appel.

Même, ceux de clans voisins tels Chante Lune, Pierre Plate ou la Hulotte, vont se joindre à eux. Leurs commandants respectifs, (sans doute après conseil avisé du roi Commios), se placeront également sous les ordres de Cunavalos.
Nos quatre petites communautés de sud Atrébatie, ainsi que leurs fermes, répondant à l’appel de Vercingétorix, aligneront ainsi prés de trois vingtaines de cavaliers et pas loin de quatre cent trimardeurs. Cela est pour nous une raison de grande fierté!
Tous se réuniront tantôt aux sources de l’Orna.

En attendant, ce matin, il n’y avait au départ d’ici que notre propre «conios», que le grand Seigneur CunaGenos, « corionos eti camulos», commandait . Avec lui marchaient ses ambacts et ses soldures, ainsi que l' ambassade de CunaGenos, dirigée par son fils aîné, le Seigneur Dumnocunos et sa garde personnelle.
Mais surtout, pour nous les gens un peu plus modestes, il y avait nos pères, nos frères et nos amis.
Moi, je n’ai plus de père et mes deux frères sont encore trop petits pour aller à la guerre. Mais parmi ceux qui partaient ce matin, il y avait mon bon ami Rufius, le « malchanceux chanceux ».
Celui là a un destin bien étrange. Bien que sa vie n’ait pas toujours été des plus heureuses, je crois que les Dieux gardent sur lui un œil aimant. Parmi tous les chemineaux qui battaient le pas, c’était bien lui, le plus beau !
D’abord, parce qu’il portait l’équipement que Galia, le forgeron avait spécialement préparé pour lui-même, avant que Cunavalos ne lui refuse la campagne à cause de sa patte folle.
Ensuite parce que le superbe sayon en sergé gris qui orne son épaule, c’est moi qui le lui avais tissé. Ce sayon était parfait, pas le moindre petit défaut et c’était pareil pour le cucullus qu’il portait dans sa besace !
Enfin, c’est aussi moi qui avais peint son bouclier. Sur fond rouge et noir, il représentait la chienne qui chasse de concert avec le loup-cervier.
Galia le forgeron n’avait cessé de dire que c’était le plus beau des boucliers qu’il avait été donné de voir, depuis celui de CunaGenos, lors de la guerre contre les Cimbres! J'avoue que j'en étais un peu fière.

Ce matin là, l’ambiance se voulait à la joie au son des tambours, des violes et des sacs à vent. Mais au fond de nous, nous étions tous inquiets. Pourtant la ferveur est montée à son paroxysme lorsque le géant roux, Roccos, a exhibé, haut dessus, sa tête notre enseigne.
La chienne resplendissait dans la lumière du matin.

Alors les bardes de Cunavalos ont chanté ses louanges et notre gloire :
- « CunaGenos, le loup gris de l’Orna est le chef puissant et le premier des champion de pont de la louve.
-Le clan frontière des marais et des bois de la chienne est le protecteur de l’Atrébatie.
-Il est son fils prodigue!
-Car la chienne accouche à chaque génération de guerriers ardents et de puissants champions.
-Ils sont féroces à la guerre, glorieux en victoires et riches en têtes.
-Jadis et hier, SénoCingétos et Cunogenos.
-Aujourd’hui et demain Cunavalos et Dumnoconos!
-Bientôt, ses autres fils !
-A jamais, torqués de bronze et d’or, casqués de fer, aux cent lances, aux cent boucliers et aux mille victoires, ce sont ceux du clan de la chienne ! »

Le compliment a été bien reçu et la foule après avoir hurlé son allégresse a entonné, lorsque la troupe s’est mise en marche des chants. J’ai cherché du regard mon ami Rufius et je ne l’ai vu que de loin. Il m’a fait un petit signe de main timide et dans le brouhaha général, je lui ai gueulé très fort de faire attention à lui et de revenir bien vite!

-« Pourquoi faut-il que des garçons Atrébates aillent se battre pour le roi des Arvernes ? »

Cnoua d'Atrébatie.