mardi 26 février 2013

C'est l'été. (Mon plus vieux souvenir)

C’est l’été et c’est mon  plus vieux souvenir.
C’est l’été et c’est le matin. Le temps est doux. Au travers des fenêtres, le soleil baigne déjà la petite cuisine de ses rayons. L’air est chaud dans la maisonnette, mais la tommette reste fraîche sous les pattes. Il doit être aux environs de dix heures et c’est l’heure du repas du matin. Du  lait de chèvre avec du pain dans une grande écuelle, une grosse poignée de croquettes dans l’autre. Nous fonçons presque tous vers le lait. Les croquettes, c’est si sec…
Le berger nous a tous bloqué dans la cuisine. Il faut dire qu’après une nuit , ça pue la crotte et le pipi dans sa petite maison !  C’est un peu normal, car nous sommes sept. Sept petits chiots de ferme noir et blanc, à peine sevrés.
Enfin noir et blanc, c’est une image. Car seule la plus petite de mes sœurs l’est vraiment. Elle a des yeux magnifiques, bleus et presque transparents Les cinq autres sont des merles avec aussi de beaux yeux clairs.
Moi je suis un tricolore, j’ai les yeux bleus mais foncés.

C’est l’été et c’est le matin. Pendant que nous mangeons, le berger astique le salon que nous avons pris soins de souiller. Maman qui est autorisée à dormir la nuit avec nous  et « la vieille Ma’tante », celle qui vit au quotidien dans la maison du berger, ( à cause de ses vieux os), attendent sagement qu’il ait fini, perchées sur les fauteuils.
Je sens que depuis quelques jours, Maman est inquiète. Mais ce qui m’inquiète moi, c’est qu’elle est inquiète pour moi...
Tous mes frères et sœurs ont déjà été placés, par le "ouï-dire". La bergerie a beau être petite, elle est servie par de très bons chiens. Spécialement Papa qui est très fort et courageux.  Je ne connais pas papa. Il vit au chenil.
Grâce à cette bonne réputation, mes frères et sœurs sont partis comme des « petits pains »! Ils ont été placés de suite! La plupart dans des fermes alentours et deux de mes sœurs vont partir ensembles dans une même famille, plutôt citadine, avec une très belle automobile. Il faut dire que les chiens merles ont un véritable succès.
Ma petite sœur noire et blanche a aussi trouvé une famille, c'est normal, elle est si jolie!
En vrai, le seul qui ne soit pas encore placé ici, c’est moi. Si moi, je m’en fiche et que je me verrais bien vivre pour toujours ici auprès de maman. Elle, elle s’en inquiète. La vie est ainsi faite que les chiots doivent partir. Maman craint que  pour ceux  qui comme moi, restent les derniers et traînent un peu trop aux rayons de l’adoption. L’avenir soit incertain.
Ce qui inquiète Maman, c’est que mon adoption ait été proposée à l’Internet. Un peu comme si j’étais offert ou bradé. Le berger a tenté de la rassurer, lui disant que je ne serais pas mal placé. Mais c’est plus fort qu’elle…Elle est inquiète pour moi.
Elle est spécialement inquiète ce matin, puisqu’un bipède vient me visiter. Du coup, j’en suis moi  même aussi, un petit peu stressé.

C’est l’été et c’est encore le matin. Il doit être aux environs de dix heures et demie. Le soleil donne encore dans la cuisine et la tommette est toujours fraîche sous les pattes. Je « fais la bagarre » avec un de mes frères et je gagne ! On toque du dehors. Maman relève la tête. Le berger se dirige vers la porte et l’ouvre. D’un coup, j’ai le trac.
Par-dessus la planche qui nous barre l’accès du salon, je croise le regard de maman. Elle sourit, mais… Elle est terriblement stressée, je le sens.

Il est Grand ! Qu’est ce qu’il est grand ! Plus grand que le berger même !  Il doit mesurer au moins cinq mètres de haut, tant il est grand !  Pour vous dire, lorsqu’il franchit la porte de la maison, la lumière baisse et on se trouve presque dans la pénombre. Il sent le cuir. Ce n’est pas désagréable en vrai, mais ça change des parfums fleuris des dames qui viennent nous voir. Lui, il est seul, pas de dame, pas d’enfant avec lui.
Je croise son regard de derrière ma planche. Mince, ce bipède là, ne me semble  pas commode…

Il s’installe avec le berger et ils papotent un peu. Le berger  lui présente  Maman et  Ma’tante. Il vante les mérites de Maman et le bipède reconnaît qu’elle est bien jolie. Ma maman, il faut le savoir est elle aussi une de ces jolies merles qui plaisent tant!  Elle a un pedigree et vient de Belgique ! Ma maman est une vraie princesse !

Maman quitte son fauteuil et va à lui. Il se baisse pour la flatter et il  parait de suite moins grand. Maman remue la queue, c’est plutôt bon signe…
Le berger vient vers nous et retire la planche qui nous empêche d’entrer dans le salon. Nous sommes alors sept à pencher la tête pour mieux voir ce qui se passe. Je crois que la mienne pend plus que celle des autres…
Ma petite sœur noir et blanc me dit : « Il est venu pour toi ? ».
Je lui réponds : « Je crois bien. »
Elle insiste : « il est très grand et ne semble pas commode. »
Je concède qu’elle n’a pas tort.
« Peut être que tu lui plaira pas et que tu resteras ici  Ne t’inquiète pas trop.»
Cela ne me rassure qu’à moitié...
C’est silence dans notre fratrie et tous nous retenons nos souffles. Le berger m’attrape et soudain, je m’envole. Il se dirige vers le bipède me met dans ses mains et dit : «  C’est celui-ci. »

Les mains du bipède ne sont pas si énormes que çà. Mais je retiens toujours mon souffle. En vrai, je suis presque en apnée là !  Il me porte vers lui, me sert tout contre  et j’entends alors battre son cœur. Son cœur de bipède bat la chamade! Il bat presque aussi vite que le mien ! Il me porte vers son visage et nous nous retrouvons les yeux dans les yeux. Il a un bon regard et d’un coup, j’ai envie de penser qu’il est finalement pas si incommode que çà.
« Il parait que tu es le dernier de la fratrie, petit bonhomme ? Serais tu partant ? »
Là, à chaud comme çà,  je dirais bien que oui. Je regarde Maman et elle ne me semble plus si inquiète que çà. Le bipède me repose et je fonce retrouver les miens. A ma vue, ils osent faire un pas dans le salon. A peine arrivé à eux, ils piaillent leurs questions et leurs commentaires :
« Alors ? Dis nous !  L’est Grand, hein ? Commode ? Il est comment ? Bizarre ! T’as eu peur ? Y t’as serré fort ? Crois tu qu’il va te manger ? L’est t’y gentil ? Mon pauvre, t’as eu peur ?
J’ai la tête qui tourne un peu. Je l’observe. Il discute toujours avec le berger. Maman est à côté, elle sourit et remue de la queue. Ma’tante somnole sur son fauteuil.
Il tourne la tête vers moi. Il sourit. Il se penche, tend la main et même s’il ne me nomme pas vraiment, je sais alors que c’est à moi qu’il parle. Alors je fonce et devant cet entrain, mes frères et sœurs font de même ! On est sept à lui sauter dessus ! Le bipède rayonne et il n’a pas assez de mains pour flatter tous ces "petits culs". Le berger est content, maman est ravie et même Ma’tante a un petit sourire !
Je suis de nouveau inquiet. Il faut dire que mes frères et sœurs font les intéressants auprès de lui d’un coup! Et que ça ondule du croupion ! Et que çà donne des bisous ! Comme si ils avaient oublié qu’il était grand, pas commode et qu'il sentait le cuir!  J’ai peur  que l’un d’eux ne viennent  me le voler.
Je me dis: « Lui s’en fiche que je ne sois pas un joli merle aux yeux porcelaine ! Ne me le piquez pas, s'il vous plait! ».





mercredi 20 février 2013

Uen-Opis (l'Oeil du Clan)

Depuis hier, Maitre Clyde m'a libéré de ma collerette. Mais seulement sous sa surveillance, car (pour ce qu'il m'en a expliqué), il craint qu'en me grattant les oreilles, je ne m'arrache à nouveau ma paupière! Il est nigaud parfois le maitre... Comme si j'allais ainsi me faire du mal! Mais bon, dans le fond c'est touchant.

Mais qu'importe, car en réalité, je savoure! Si vous saviez combien, c'est pour moi un bonheur d'avoir de nouveau accès directe vers mes pattes et mon ventrou!  A peine maitre Clyde m'avait il libéré de ce carcan, que je me suis lancé dans ma toilette! Spécialement celle de mon "intimité" ! 
De vous à moi, çà urgeait  grave, depuis quelques jours!!! Je me suis appliqué et j'y ai mis le temps qu'il fallait!
Je me suis un peu fait engueuler, lorsque je me grattais l’oreille droite et pas du tout lorsque c'était la gauche! Je crois que ça doit tenir au fait que c'est de ce côté là que  ma paupière a été blessée...

En attendant, je vais bien. Juste que maitre Clyde est encore vachement inquiet et que dès que je fais un peu le dingue, il gueule. Mais je sais bien que c'est parce qu'il m'aime et qu'il se fait du mouron pour moi.

Cet après midi, il m'a regardé droit dans les yeux et il m'a dit:
"Avec cette cicatrice sur l’œil, tu ressembles à Commios l'Atrébate."  J'en suis resté baba.
Il faut que vous sachiez que pour Maitre Clyde, Commios, ce n'est pas n'importe qui!  Il est le héros Gaulois qu'il idéalise, un de ses lointains ancêtres. 
Un jour, un ami Gaulois l'a qualifié de "CommioGenos", (descendant de Comm). Mon maitre était ravi. C'est amusant, ce genre de réaction! C'est aussi un peu bizarre. Est ce que je me félicite moi d'être descendant de Marquis? ...

Quoiqu'il en soit, en me surnommant ainsi  "Commios", je sais que maitre Clyde me fait un grand honneur. 
De vous à moi, j'en suis flatté, flatté et ému.


De son côté Einstein s’inquiète un peu. Il me dit:

- "Si tu es Commios l'Atrébate, blessé à la face par un ennemi. Sachant que c'est moi qui t'ai fait mal. Est ce que Maitre Clyde ne voit pas en moi, le Romain Caius Volusenus? Si c'était le cas, je mourais sur le champs!"

Je lui réponds:
-"Ne t'inquiète pas mon frère, je crois que pour maitre Clyde, tu es un peu comme Corréos le Bellovaque! Une tête de mule!"

Cela lui a plu, car il est reparti en dodelinant de la queue.

E'Clyde TriCanauos, ton ami à quatre pattes. 
(En la date du quatrième jour du miđ Ogronn  de la moitié claire de la lunaison de l’an 3885 de l’ère de la bataille de la Plaine des Tertres .)

jeudi 14 février 2013

Je jure par les dieux que jure ma tribu...

 Aujourd'hui, nous sommes le dixième jour du miđ Anagantio de la moitié sombre de la lunaison de l’an 3885 de l’ère de la bataille de la Plaine des Tertres et c'est un très beau jour!  
Ce matin E'Clyde et maitre Clyde sont partis tôt chez le docteur des chiens. Il s'agissait d'aller faire enlever les fils et les agrafes que Clydou avait à l’œil depuis notre bagarre.
Même si tout semblait aller bien. J'étais  inquiet pour mon frère de lait.   Il faut dire que E'Clyde devait  de nouveau être endormi et comme la dernière fois, il avait fait une crise d'épilepsie...
J'étais inquiet. Si vous saviez combien j'étais très inquiet et me sentais coupable!

Ils s'en sont allés et Benca et moi nous les avons attendu.
C'est toujours très long lorsqu'on attend anxieux et  pourtant cette fois ci, ça presque passé vite. Ils sont revenus et E'Clyde marchait tout seul! Il n'était pas "dans les pommes", comme la dernière fois! 
Si vous saviez combien j'en ai été heureux!

Maitre Clyde nous a dit combien Clydou avait été courageux! Tellement courageux que le docteur des chiens n'avait pas jugé utile de l'endormir pour lui enlever ses fils!  J'avoue que sur le coup,  je l'ai admiré pour çà. Sous ses dehors de gros chiot nigaud, il n'est vraiment pas douillet. 
Son oeil va mieux. Il doit garder sa collerette  et mettre de la pommade pendant encore quelques temps. Mais il va bien et finalement rien de  trop grave n'est arrivé.
Si vous saviez combien je suis soulagé...

 Je jure par les dieux que jure ma tribu! Plus jamais de telles bagarres entre nous!  
Merci Epona, Merci Belenos, Merci Sucellos, Merci à Teutatès et a toutes les Déesses protectrices et guérisseuses qui ont pris soins de mon frérot.



To Soldurio-Einstein TriCanauos, (ton dévoué jusqu'à la mort, Einstein TriCanauos)

jeudi 7 février 2013

Imon Cori-Ppus. (Mon oeil fermé)

Ce jour, nous sommes le quatrième jour du miđ Anagentio, de la moitié sombre de la lunaison   de l'an 3885, de l'ère de la bataille de la Plaine des Tertres.  C'est un jour sombre dans le calendrier des Celtes. Mais finalement, c'est un jour clair pour moi, car "Imon Cori-Ppus" ( mon oeil fermé) va mieux.



Bien sur,  je suis encore contraint de porter une collerette. Je suis contraint de supporter  stoïquement  que maitre Clyde me mette de l'eau et de la pommade dans les yeux. Cela pour une une semaine encore au moins.
Bien sur, j'ai dû renoncer et ce n'est pas facile! A mes balles, mes ballons, mes jouets, mes peluches, la bagarre avec Benca & Einstein, courser les poules,  courser les chats,  faire des sauts périlleux. Troupeauter la brouette de maitre Clyde lorsqu'il fait du bois, me rouler dans la gadoue et toutes ces choses sympathiques  et dont on a pas conscience avant qu'elles ne nous manquent un jour... 
 Mais ça va quand même! Car  si ma paupière est amochée,  je n'ai rien à l’œil. (Depuis deux jours,  il ne coule d'ailleurs presque plus). Il dégonfle et maitre Clyde  serait presque heureux, s'il ne restait pas cette petite "bouloche de chair rouge". 
Moi je ne suis pas inquiet! Çà va passer.

Jusqu’à ce soir, Mon Frère Einstein était mal à l'aise avec moi. Je crois qu'il se sentait un peu coupable. Malgré ses dehors de gros costaud, que rien ne semble pouvoir toucher. Je le sentais désolé. Si j'osais, je dirais même qu'il était aux petits soins pour moi. Il me laissait le passage. Ne répondait pas à mes provocations. C'était limite inquiétant!
Mais il y a deux minutes, je l'ai jaugé avec un rictus moqueur. (En vrai, je l'ai provoqué grave!)
Pour la première fois depuis une semaine, il m'a répondu comme il le faisait d'habitude ! Avec son sempiternel:
-"Kes ta?  Kes ta ta!"

Il était prêt a me sauter dessus, le bougre!!!
 ...

Maitre Clyde est intervenu de suite! Là, je dois dire que ça n'a pas trainé! Il a fait la grosse voix! La très grosse, celle qui fait très peur.  Einstein a été envoyé à son panier et moi aussi! Même si je suis consigné, je suis content, les choses reviennent à la normale! 
Si Einstein veut à nouveau me faire la peau, alors que depuis une semaine il errait comme une âme en peine, baissant les yeux et soupirant en me regardant. C'est bien la preuve que je vais mieux

Ton ami à quatre pattes, E'Clyde TriCanauos.